Novembre 2017

Chers amis membres de la Confraternité,

Il y a déjà quelques semaines maintenant, un quotidien régional français donnait comme pratiquants réguliers dans le diocèse où il était publié le chiffre de 1,7%.

Que s’est-il donc passé dans notre pays autrefois chrétien (à la veille du Concile, 34% des Français selon une enquête IFOP de 1961, déclaraient aller à la Messe tous les dimanches) pour tomber pour certains diocèses dans des pourcentages de pratique religieuse aussi minuscules qu’1,7 % ? Sans oublier que dans ce dernier carré, la belle part est souvent composée de « séniors ». Nous ne pouvons pas ne pas nous interroger comme le Pape Benoît XVI le faisait lui-même en 2011 quand il disait à ses Cardinaux qu’avec préoccupation, non seulement les croyants, mais aussi les personnes extérieures, observent que les personnes qui vont régulièrement à l’église deviennent toujours plus âgées et que leur nombre diminue continuellement ; qu’il y a une stagnation des vocations au sacerdoce ; que le scepticisme et l’incroyance augmentent.

A l’occasion du dernier Concile et dans les années qui le suivirent, avec probablement de réelles bonnes intentions, on parlait avec enthousiasme de s’ouvrir au monde afin de pouvoir enfin toucher les personnes éloignées de l’Eglise. Il fallait sortir de son ghetto comme on le dit encore parfois aujourd'hui de manière souvent méprisante. Il fallait adapter son langage afin de pouvoir être compris de tous et ainsi accueillir toutes ces âmes si nombreuses encore en dehors de l’Eglise. Pour appliquer cet esprit à la liturgie par exemple, on adopta la langue « du peuple » et l’on se tourna vers lui pendant la messe pour mieux le faire participer. On pratiqua généreusement dans les missions ce que l'on appela l'inculturation c'est à dire l'introduction dans les rites d'usages profanes propres au pays où l'on se trouve. On put ainsi offrir à tous des messes presque à la carte, composées souvent par des comités liturgiques se réunissant le samedi soir pour préparer la messe du lendemain.

Dans le même esprit de proximité, le prêtre souvent s’habilla « comme tout le monde » quand il ne prit pas même parfois un métier. Il s'agissait alors d’inviter les chrétiens, selon la parabole de l’évangile, à être comme le levain enfoui discrètement et sagement dans la pâte, et de la faire lever ; ce que l’on appelait alors « l’enfouissement » et qui devînt d’ailleurs plutôt un véritable ensevelissement.  Comme il ne fallait surtout plus condamner son prochain -on retrouve la même idée dans l'éducation, tant à l'école que dans la famille, où il ne faut surtout plus punir- pour ne pas s’aliéner les âmes; il s’ensuivit bien sûr de fait un grand relativisme dans la morale, accompagné d’ailleurs presqu’aussitôt d’un quasi abandon pour beaucoup du sacrement de pénitence.

Si les « intentions » encore une fois étaient certainement bonnes (seul Dieu après tout sonde les reins et les cœurs), les résultats observés 55 années plus tard sont au niveau des chiffres tout simplement catastrophiques. Pour ceux bien sûr qui savent voir. Une pratique religieuse quasi-nulle au regard de la population. Des paroisses de plus en plus gigantesques géographiquement parlant, du fait de la diminution continuelle de nombre de prêtres. Des Maisons religieuses qui ferment les unes après les autres. Et une ignorance désormais « ordinaire » de la religion dans nos anciens pays chrétiens ; ignorance qui faisait dire encore au Pape Benoît XVI en 2012 : Comme nous le savons, dans de vastes zones de la terre, la foi court le risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s’alimenter. Nous nous trouvons face à une profonde crise de la foi, à une perte du sens religieux qui constitue le plus grand défi pour l’Eglise d’aujourd’hui. Dans l'évangile, aux envoyés de Jean-Baptiste lui demandant s'il est le Messie attendu, le Christ répond entre autres pour donner le signe de crédibilité à donner à sa personne : les pauvres sont évangélisés. Eh bien aujourd'hui, constat terrible pour nous, nous pouvons dire que les pauvres ne sont pas évangélisés et sont laissés à l'abandon.

Pourquoi faire ce mois-ci ce constat douloureux ? Certainement pas pour nous affirmer, nous fidèles attachés à la forme extraordinaire comme « meilleurs » que « les autres » ; nos communautés traditionnelles ont traversé par le passé et traversent encore aujourd'hui des difficultés comme les traversent toutes les communautés depuis que l’Eglise est l’Eglise. Nous avons par ailleurs un grand nombre de défauts dûs à notre inexpérience, notre orgueil et notre tiédeur.

Ceci étant dit et reconnu, nous pouvons cependant et même nous devons au regard de la situation actuelle rendre grâces à Dieu. Rendre grâces à Dieu pour ce trésor liturgique qui est le nôtre; et nous pouvons le faire d’autant plus humblement que ce trésor, nous l’avons reçu ; nous devons rendre grâces à Dieu car ce trésor nous a permis tout simplement de conserver la foi quand elle a vacillé en tant d'endroits ; cette forme liturgique que nous aimons nous a protégés dans les années difficiles et nous a donnés les repères qui ont trop souvent manqué dans les paroisses ; si antique et pourtant toujours aussi jeune, magnifique de richesse dans ses rites et pourtant si sobre dans le même temps, notre liturgie est l’explication de la jeunesse de nos communautés « traditionnelles » ; cette forme extraordinaire nous apprend chaque jour (nous ne nous en rendons peut-être même plus compte du fait de l’habitude) la grandeur de Dieu ; rien n’est trop beau pour le Seigneur aimait-à-dire l’humble saint Curé d’Ars ; la liturgie nous enseigne comment nous devons nous comporter face à Dieu et l’honneur qui lui est dû. Elle nous apprend que la sainte Messe n’est pas l’œuvre des fidèles, mais bien l’œuvre de Dieu, c’est-à-dire ici le sacrifice du Fils de Dieu offert au Père auquel nous nous associons à notre petite mesure comme la goutte d’eau se mêle au vin à l’offertoire. Cette liturgie nous enseigne enfin l’humilité qui doit être la nôtre quant à la prière multiséculaire de l’Eglise, prière qui est une véritable école de sainteté et dans laquelle nous devons tout simplement rentrer.

Beaucoup le reconnaissent aujourd’hui : la liturgie traditionnelle conduit à Dieu et ses fruits sont visibles. Apprenons à mieux la connaitre pour toujours mieux profiter des grâces qu’elle véhicule.

Quand le Fils de l’homme reviendra sur terre, trouvera-t-il encore la foi ? demandait le Seigneur dans l’évangile. Demandons à Dieu dans nos prières les solides vocations d’apôtres dont nous avons besoin. Vocation de prêtres zélés, enflammés de l’amour de Dieu et des âmes. Et que nos prières aident notre petite Fraternité à former de tels prêtres. Pour que Dieu soit ici-bas toujours mieux connu et donc davantage aimé.

La Messe à vos intentions du mois de novembre sera célébrée le jour de la Toussaint.

 

Nouvelles de la Fraternité

A une date proche du 5 novembre prochain, comme chaque année, les plus de 250 prêtres de la Fraternité célèbreront une messe de Requiem pour les défunts de la Fraternité et de la Confraternité Saint-Pierre.

La prochaine retraite de fondation pour garçon de 16 à 23 ans aura lieu à Lyon du 2 au 4 novembre.

Le 21 octobre dernier, Mgr Huonder, évêque de Coire tonsurait douze séminaristes de deuxième année qui prenaient la soutane le même jour. Douze autres séminaristes recevaient également le même jour aux Etats-Unis la soutane et la tonsure des mains de Mgr Finn, évêque émérite de Kansas-City.

Vous trouverez sur ce lien  une série de photos inédites de nos ordinations sacerdotales du mois de juillet; elles ont été prises par un photographe religieux de grand talent.

La dernière lettre aux amis du séminaire saint-Pierre se trouve sur cette page.

 

 

Complément d'information quant à l' ordination de l’abbé Ike au Nigéria.

(Il est possible de consulter pour les anglophones l' article du New York times écrit à cette occasion).

Les dessous d’une grande et belle cérémonie…. (traduction d'un article sur le site de la FSSP au Nigéria)

Le 15 août 2017,Mgr Gregory Ochiagha ordonnait prêtre l’abbé Charles Ike, FSSP. Sous un soleil brillant et avec une assistance de plus de deux milles personnes d’au moins huit pays différents, cet évènement historique de plus de trois heures se déroula sans aucun problème liturgique ou électrique ; une réalisation exceptionnelle accomplie au Nigéria ! Mais cette journée si extraordinaire pour la paroisse Nne Enyemaka Ebebe ne fut possible qu’après un travail non moins extraordinaire, beaucoup de stress et surtout beaucoup de prières.

Chinua Achebe, un auteur nigériendisait une fois, “Seul un fou muni d’un exubérant goût d’auto destruction  pourrait choisir le Nigéria pour passer des vacances … non, le Nigeria peut être un paradis pour les aventuriers ou les pirates, mais pas pour les touristes!” Les douze "Occidentaux" qui firent le voyage jusqu’à la paroisse de la FSSP dans l’Etat d’Imo vérifièrent sur place la véracité de cette assertion. Huit séminaristes et quatre laïcs passèrent en effet quatre semaines dans le village d’Umuaka où ils purent expérimenter un peu la vie chaotique nigérienne, tout en préparant l’ordination de l’abbé Charles Ike.

Les "Occidentaux" s'installèrent rapidement dans ce qui était en apparence un grand désordre et commencèrent le travail qu'ils étaient venu accomplir. Ils découvrirent tout d'abord très vite des qualités fantastiques quant à la vie au Nigéria: le prêtre et l'Eglise étaient clairement, et ce d'une manière tout à fait naturelle, au centre de la vie des fidèles ; les enfants vagabondaient autour de la paroisse tandis que de nombreuses personnes venaient sans cesse recevoir l'instruction chrétienne ou les sacrements; la vie par ailleurs était aussi confortable qu'aux Etats-Unis. Enfin, les étrangers étaient reçus par les locaux comme des membres de la famille

Leçons de musique pour la paroisse toute entière, répétitions de liturgie, catéchismes pour différents groupes, ainsi que l'observation de la culture africaine remplirent les journées de nos "observateurs" les jours précédant l'ordination.

La nourriture nigérienne constituait également une expérience souvent très intéressante: escargot, orge, termites grillées et "fufu" étaient des entrées qu'on ne pouvait oublier, auxquelles on pouvait ajouter la soupe d'intestin de vache et la "viande de buisson" (ne demandez pas ce dont il s'agit, même les locaux ne le savent pas).

Sur le site de la construction de la nouvelle église, les procédures de sécurité  étaient dignes d'être elles aussi notées: la vue d'hommes pieds-nus, sans casque ou harnais, grimpant à des mètres et des mètres de hauteur un fer à souder à la main était aussi surprenante que le métal fondu coulant et tombant du fait de leur travail de soudure ; des objets étaient abandonnés sur le toit, les échafaudages étaient précaires le long du chantier et toutes les différentes manoeuvres se déroulaient sans aucun protocole de sécurité à l'exception des occasionnels "attention!".  Tout cela ne pouvait que choquer un peu nos Américains.

Durant ces semaines passées au Nigéria, nos séminaristes, en plus de tout le travail à accomplir rendre l'église en état de fonctionnement pour l'ordination, les séminaristes purent assurer la solennité des messes dominicales et animer un camp de garçons d'une semaine.

Le niveau de stress de chacun atteignit un pic cinq jours avant l'ordination alors qu'il restait encore un travail monumental à accomplir. La grande église n'avait toujours pas de toît réel lui permettant de la préserver des pluies diluviennes fréquentes; on ne savait pas encore trop non plus quand on allait pouvoir installer l'électricité; le séminariste en charge de la cérémonie ne savait pas non plus comment, où et quand allaient arriver le trône de l'évêque nécessaire pour la cérémonie, ou encore sa crosse et, plus important encore, l'autel pour célébrer la messe! Mais malgré ces imprédictibles tant climatiques que matériels, chacun commença à reprendre espoir à l'arrivée des tuiles devant couvrir le toît cinq jours avant l'ordination. En deux jours, presque toute la nef était recouverte de tuile, un trône était "promis" et les décorations de l'église avaient été offertes.

Le 14 août, veille de l'ordination, la journée commença plutôt de manière encourageante avec la présence de la plupart des paroissiens venus aider pour les ultimes préparations à réaliser. Les décorations du sanctuaire furent mises en place pendant que l'église était de son côté nettoyée à fond et que se déroulait la répétition de liturgie. Tout se déroulait donc plutôt très bien, jusqu'à environ 11h du matin, quand le premier de nombreux orages torrentiels éclata. En l'espace d'une minute, l'église juste balayée était inondée, l'eau tombant en trombe du toît non encore achevé. Tous ceux pouvant trouver un balai se mirent à balayer frénétiquement l'église pour repousser l'eau en dehors, avant la prochaine chute d'eau suivant la première. La répétition des servants de messe se poursuivait, le cérémoniaire bien conscient de l'absence du trône. Une grande sono avait été louée mais il n'y avait toujours pas d'électricité, et la personne devant l'installer était trop malade pour venir le faire. Les choses ne semblaient plus aussi belles que le matin. Les préparations se poursuivirent cependant, comme la tombée de la pluie qui ne s'arrêtait pas et inondait continuellement l'église. Nos occidentaux se couchèrent cette nuit, plus sûrs de rien quant au lendemain. Mais beaucoup de prières furent offertes. 

Les paroissiens cependant eux n'allèrent pas se coucher cette nuit. La dernière pluie tomba vers le milieu de la nuit; les fidèles veillèrent et avec leurs balais chassèrent toute l'eau de manière qu'au petit matin, les séminaristes trouvèrent l'église sèche et les bancs installés.Les gens commencèrent à arriver à partir de 7h30 le matin de l'ordination. La chorale commença ses répétitions et des centaines puis des milliers de personnes arrivèrent pour assister à une messe selon un rite dont ils avaient entendu parler mais qu'ils n'avaient jamais pu voir.

Quand il fut 9h, heure prévue pour le début de l'ordination, l'église était remplie de Nigériens, de Camerounais, de Ghanéens, ainsi que de religieux de différents pays, attendant tous de voir avec une impatience non dissimulée processionner le légendaire Monseigneur Gregory Ochiagha. Mais 9h passa; puis 9h05, puis 9h15; et toujours pas de procession, pas d'orgue jouant en arrière fond, rien. Pourquoi? L'évêque n'était pas encore arrivé! Et personne ne savait quand il allait arriver. Tandis que les minutes défilaient, les séminaristes notèrent qu'ils n'avaient pas entendu une note d'orgue depuis le matin ; ils ne savaient pas qu'à la tribune avait lieu un grand remue-ménage pour essayer de faire fonctionner le système de son toujours inopérant! Ils réalisèrent également que le maitre de cérémonie n'était pas là! Il était parti à la recherche d'un trône pour l'évêque! Puis revenant finalement avec le fameux trône, il vit deux Africains remontant eux aussi les marches de l'église en transportant un trône également; exaspéré, il eut un choc quand il se retourna et vit deux autres hommes derrière lui courir avec un troisième trône vers l'église! Juste quand le problème du trône fut résolu, Monseigneur Ochiagha arriva sur la propriété de l'église; il était 9h30.

Comme l'évêque commençait à se revêtir des ornements, le son de l'orgue se mit à retentir dans l'église et le soleil se leva. Les servants se mirent en place et à 9h45, l'ordination put finalement commencer. A partir de ce moment, il n'y eut plus aucun problème. L'évêque durant son homélie invita les plus de deux milles fidèles, prêtres et religieux à regarder attentivement les cérémonies et à se laisser enseigner par elles. La schola, composée de séminaristes et de quelques Nigériens, dirigée par le maitre de choeur du séminaire, chanta la Messe comme personne ne l'avait jamais encore entendu chantée ici. Après trois heures, l'abbé Charles Ike était maintenant prêtre et tous étaient remplis de joie d'avoir pu prendre part à cet évènement exceptionnel.

La première de l'abbé Ike fut également très belle, et une série de messes solennelles dans les villages environnants attira des milliers de fidèles. Il y aurait encore beaucoup de belles histoires à raconter survenues pendant ces jours, mais il faudrait prolonger beaucoup ces quelques lignes pour le faire.