Le Père Thomas Byles, 1870-1912

Pour la plupart probablement, vous n’avez jamais entendu parler du Père Thomas Byles, mort à 42 ans en 1912. Et pourtant, le Pape St Pie X emploiera à son sujet l'expression de « martyr pour l’Eglise ».

Avant d’être prêtre, Thomas commença par naître en Angleterre, dans le Yorkshire en 1870. Avant même de s’appeler « Thomas », il recevra d’abord à sa naissance les prénoms de "Roussel" et "Davids", prénoms que lui donnera son père qui était un ministre protestant (église congrégationaliste). Il sera l’ainé de sept enfant.

C’est donc dans une famille protestante anglaise que Roussel Davids sera élevé. Son éducation sera soignée et il partira ainsi en 1889 à Oxford étudier les mathématiques, l’histoire moderne et la théologie.

 Etudiant, il va commencer à s’éloigner de ses racines protestantes congrégationalistes (il était déçu du manque d’intérêt pour les sacrements de cette église) et va être d’abord reçu dans l’Eglise d’Angleterre (Anglicanisme). Il était intéressé par les écrits des Pères, l’apologétique et les sacrements. Il méditait tous les jours et commença à se "confesser" à un "prêtre"  anglican. Son frère William, plus jeune que lui, sera pourtant le premier des deux à se convertir au catholicisme.

Le premier signe que manifesta Roussel de son cheminement vers la vérité se trouve dans une lettre écrite à son frère en 1894: sais-tu que je suis assez troublé en ce moment? Je ne me reconnais plus dans la position anglicane même si je ne suis pas plus satisfait non plus par la position romaine; je ne participe plus à la communion anglicane et ai retardé mon ordination comme diacre .

De la conversion à l'ordination

Sa recherche de la vérité le conduira quelques mois plus tard, à se faire baptiser « sous condition » catholique à l’église Saint Louis d’Oxford. Il prendra comme prénom de baptême  Thomas .

Thomas Roussel Davids Byles effectuera par la suite une retraite ignatienne à Manrèse, avant de se rendre quelques semaines dans l’abbaye bénédictine de Beuron en Allemagne. Désireux de devenir prêtre, il visita de nombreuses maisons religieuses et commença à étudier les sciences ecclésiastiques tout en étant professeur dans un collège catholique anglais.

En 1899, il part pour Rome afin de concrétiser ses études en vue du sacerdoce ; il sera ordonné prêtre le 15 juin 1902 à Rome et restera dans la ville éternelle durant ses premiers mois de sacerdoce.

De retour en Angleterre, on le voit être l’un des cinq fondateurs de la « Catholic Missionary Society », un groupe dédié à la conversion des protestants à la foi catholique. Il sera assigné pour quelques temps dans une petite paroisse.

Pendant sept ans ensuite, il travaillera dans une paroisse de campagne auprès d’une population catholique assez restreinte. Très dévoué, il était considéré comme bon prédicateur et très soucieux de ses fidèles.

Dans le même temps, son frère Thomas s’était installé à New York et était tombé amoureux d’une femme à Brooklin avec laquelle il avait résolu de se marier. Il avait demandé à son frère de célébrer ce mariage dans l’église St Augustin de New York.

Le lundi de Pâques, deux jours avant de s’embarquer pour les Etats-Unis, un ami proche du Père Byles, Monseigneur Watson, vint le visiter. Ils parlèrent du Titanic sur lequel le Père devait s’embarquer le surlendemain et des dangers du voyage, mentionnant les icebergs. Il se rappelle lui dire : « j’espère que vous reviendrez ».

Le dernier voyage

Le 10 avril 1912, il embarquait sur le Titanic. Il s’arrangea avec les Capitaine afin d’avoir un endroit pour célébrer la Messe pour les passagers qui le désiraient; il avait à cette fin emprunté une pierre d’autel portable à Monseigneur Watson.

Il passa la plus grande partie de la journée du samedi à entendre des confessions, et le dimanche 14 avril matin, il offrit ce qui sera sa dernière Messe. C’était le dimanche dans l’Octave de Pâques et il célébra cette Messe pour les passagers de seconde classe. Il prêcha en anglais et en français sur le besoin d’avoir « un gilet de sauvetage composé de prières et des sacrements,  afin de sauver son âme toujours en danger d’un naufrage spirituel dans les temps de tentation, de la même manière que nous avons besoin d’un gilet de sauvetage quand nous sommes en danger de périr dans un naufrage ».

Quelques heures plus tard, le Père Byles, dans sa soutane, récitait son bréviaire en marchant de long en large sur le pont supérieur du navire quand le Titanic heurta l’iceberg qui devait l'emporter. Comprenant le danger, il descendit immédiatement dans les compartiments de troisième classe et s’efforça de calmer les passagers; il les bénit et commença à entendre des confessions avant de réciter avec eux le chapelet. Il les fit monter ensuite sur le pont et les aida à enfiler leurs gilets de sauvetage. Il adressa quelques mots d’encouragement aux femmes et aux enfants qui montaient dans les canots de sauvetage. Le danger devenant de plus en plus évident, il retourna entendre des confessions. Par deux fois, il lui fut proposé de monter dans une chaloupe, mais il refusa catégoriquement. La dernière chaloupe partie, il s’en alla conduire la récitation du chapelet à l’arrière du bateau pour un groupe de passagers, à genoux autour de lui, qui n’avaient pu trouver place dans les canots. Il les exhorta ensuite à se préparer à rencontrer Dieu, et à 2h20 du matin, il fit réciter l’acte de contrition à la centaine de personnes autour de lui avant de leur donner l’absolution générale.

De nombreux passagers témoigneront par la suite de la bravoure du Père Byles pendant le naufrage.  

"Quand la collision eût lieu, nous fûmes jetés hors de nos couchettes ... à peine habillés, nous allâmes voir ce qui se passait. Nous vîmes arriver devant nous, descendant de la passerelle, ses mains levés, le Père Thomas Byles. Nous le connaissions car il était venu nous visiter plusieurs fois à bord et il avait célébré la Messe pour nous ce matin même. ‘Soyez calmes, mes bonnes gens,' disait-il, et il partit ensuite sur l’entrepont donner des absolutions et des bénédictions.... Quelques uns parmi nous perdaient leur calme, et ce fut encore le prêtre qui leva ses mains et le calme se fit instantanément à nouveau. Les passagers étaient impressionnés par le contrôle absolu de lui-même du prêtre. Il commença la récitation du chapelet. Les prières de tous, sans parler du Credo, étaient assez mélangées, mais les réponses ‘sainte Marie’ étaient fortes et puissantes. " -- Miss Helen Mary Mocklare, passagère de troisième classe.

"Continuant les prières, il [le Père Byles] nous conduisit où les chaloupes étaient placées. Aidant les femmes et les enfants, il leur adressait des mots d’encouragement et de consolation." -- Miss Bertha Moran, passagère de troisième classe.

"Un marin ... avertit le prêtre du danger et le supplia d’embarquer dans un canot. Le Père Byles refusa. Le même marin, soucieux de l’aider, revînt le voir pour lui dire d’embarquer, mais il refusa à nouveau. Le Père Byles aurait pu être sauvé, mais il ne voulait pas partir tant qu’il restait quelqu’un derrière et les prières des marins furent donc sans effet. Après que je fusse montée dans la chaloupe, qui fut la dernière à partir, et tandis que nous nous éloignons du navire de plus en plus, je pouvais entendre distinctement la voix du prêtre et les réponses des passagers à ses prières. Puis, ces voix devinrent plus faibles jusqu’à ce que je ne puisse plus entendre que les accents du chant “Plus près de toi mon Dieu” et les cris des personnes laissées derrière." -- Miss Helen Mary Mocklare, passagère de troisième classe.

"J’ai vu le Père Byles la première fois sur l’entrepont. Il y avait là beaucoup de Catholiques, et il

les apaisait en priant pour eux, entendant leurs confessions et leur donnant ses bénédictions. Je le vis ensuite sur le pont supérieur, lisant son livre de prières. Les survivants, particulièrement un pauvre Anglais, me diront plus tard qu’il mit son livre dans sa poche, rassembla les hommes près de lui et, tandis qu’ils étaient à genoux, offrit ses prières pour leur salut." -- Miss Agnes McCoy, passagère de troisième classe.

Le Père Byles mourut dans le naufrage comme 1500 autres passagers. Son corps ne fut jamais retrouvé.

William et sa fiancée (Katherine) ne déprogrammèrent pas leur mariage, mais ce fut un autre prêtre qui assura une cérémonie "très simple". Immédiatement après la cérémonie religieuse, ils se rendirent chez eux, revêtirent des vêtements de deuil, et retournèrent à l’Eglise pour une messe de Requiem. On put lire l’article suivant dans l’Evening World:

"Les cloches nuptiales, suivies rapidement par une marche funéraire, changèrent samedi ce qui devait être le plus beau jour des vies de Mademoiselle Isabel Katherine Russell et Monsieur W. E. Byles. Deux milles personnes devaient être au départ présentes à ce mariage. La cérémonie devait être assurée à l’église Saint Augustin et le Père Thomas R. D. Byles d’Ongar, dans le Comté d’Essex, Angleterre, frère du marié. Mademoiselle Russell et Mr. Byles gardèrent espoir pour la vie du Père Byles jusqu’à ce que tous les passagers soient arrivés du Carpathia. Quand il n’y eut plus aucun espoir, ils retournèrent à la résidence Russell [chez eux], et par téléphone et télégramme, annulèrent toutes les invitations. Un peu supersticieux cependant,  c’est à dire pensant qu’il porte malheur de retarder un mariage, la cérémonie fut tout de même assurée samedi par le Père Wm F. McGinnis, D. D., ami depuis toujours de la mariée, à l’église Saint Paul. Au lieu de la réception habituelle et du déjeuner traditionnel de mariage,  les époux se rendirent en hâte à la maison, et, revêtant les habits de deuil, retournèrent à l’église ou le Père W. Flannery, curé, célébra une Messe de requiem pour le défunt Père Byles."

The Brooklyn Daily Eagle écrivit quant à lui ceci:

"Il y avait un mariage ce matin qui n’était pas tout à la joie, à l’église St Paul. William E. Byles se mariait avec Isabelle K. Russell, le consentement étant reçu par le Père William F. McGinnis. Le mariage devait être célébré par le frère du marié, le Père Thomas R. D. Byles, mais ce dernier est une des victimes du désastre du Titanic, et, d’après les témoignages, l’un des héros de cette tragédie. Il est dit qu’il a administré les derniers sacrements à tous ceux qui ont demandé ses services, et aidé également à sauver un grand nombre de personnes de la mort.

Après la messe de mariage ce matin fut également célèbrée une messe de Requiem pour le prêtre disparu."

 

Lors d’un voyage plus tard dans l’année, Katherine et William se rendirent à Rome où ils eurent le grand privilège d’avoir une audience avec le Pape Saint Pie X ; ce dernier leur affirma que par son action, le Père Byles peut être considéré comme un martyr pour l’Eglise.